Une Longue Conversation est une nouvelle entre La Princesse de la nuit et Le Prince des Ténèbres. Avant la sortie de l'histoire électronique le 19 mai 2017, la nouvelle a été incluse pour la première fois dans des éditions spéciales de La Princesse de la nuit.
Description[]
Qu'est-ce que cela signifie d'être marié? A quoi s'engage-t-on quand on s'engage l'un envers l'autre pour la vie ? Par une nuit d'été tendue et chaude à l'Institut de New York, un couple commencera à le découvrir en célébrant leurs fiançailles. Un autre couple explorera cette étape, pour être repoussé par une urgence violente qui les appelle au devoir avant l'amour.
Lorsque Simon Lewis demande en mariage spontanément Isabelle Lightwood, Clary Fairchild a deux jours pour planifier une grande fête de fiançailles. Avec beaucoup d'aide de leurs amis Créatures Obscures et Terrestres, Clary et Jace Herondale réussissent.
Mais ce ne serait pas le Monde Obscur si des ennuis n'arrivaient pas à menacer même l'occasion la plus joyeuse. En tant que nouvelle codirectrice de l'Institut de New York, Clary doit faire face à une guerre civile imminente chez les Créatures Obscures, tout en essayant d'éloigner Isabelle d'une pièce remplie de tulipes suspectes, auxquelles elle est dangereusement allergique.
Clary et Jace trouvent enfin un moment pour eux-mêmes, mais Magnus Bane les interrompt avant qu'ils ne puissent avoir la conversation dont ils ont vraiment besoin - une conversation sur la plus longue des conversations, le mariage, qu'ils n'auront peut-être jamais s'ils ne survivent pas à cette nuit...
Intrigue[]
Août 2012
Clary Fairchild, directrice de l'Institut de New York, observe la salle de musique décorée de l'Institut et se souvient des événements qui l'ont amenée à se précipiter pour organiser une fête dans un délai aussi court.
Deux jours auparavant, le parabatai de Clary, Simon Lewis, s'était présenté essoufflé à l'Institut et avait annoncé qu'il avait demandé à Isabelle Lightwood de l'épouser. Après avoir été légèrement taquiné, Simon a expliqué le souhait d'Isabelle d'avoir une fête de fiançailles dans deux jours, ce qui a dérouté Clary jusqu'à ce que Jace Herondale souligne que ce serait l'anniversaire de Max Lightwood. Simon a demandé à organiser la fête à l'Institut et Clary a accepté d'aider à l'organiser.
Observant toujours les préparatifs de la fête, Clary se souvient tristement de la similitude de la salle avec la Cour des Lumières et ressent un pincement au cœur pour la perte de la magie féerique dans le monde, résultat de la Paix Froide. Tout en regardant ses amis se déplacer dans la pièce, Clary est abordée par Beatriz Mendoza qui l'alerte de la récente livraison de tulipes, à laquelle Isabelle est allergique, comme le souligne Alec Lightwood. Il demande à parler à Clary seul et révèle sa peur que l'Enclave lui enlève son fils nouvellement adopté, Rafael. Elle lui assure que tout ira bien.
Après une conversation avec la sœur de Simon, Rebecca, Clary est recherchée par Lily Chen et Maia Roberts, respectivement chefs du clan des vampires et de la meute de loups-garous de New York. Ils lui demandent de l'aide pour régler un différend territorial avec les vampires et les loups-garous, et elle s'exécute à contrecœur, se frayant un chemin à travers une conversation avec l'un des membres de la meute de Maia et organisant une réunion. Isabelle arrive alors, ayant immédiatement une réaction allergique aux tulipes. Elle est heureuse malgré cela et procède à son entrée tardive aux côtés de Clary qui est accompagnée des acclamations des invités.
Pendant que des toasts sont donnés et que des photos sont montrées, Jace emmène Clary à l'écart dans la salle de stratégie pour plus d'intimité et, après lui avoir rappelé comment elle a réparé son cœur brisé et fait de lui un homme meilleur, il lui demande de l'épouser. Clary se fige, incapable de répondre, et n'a pas à le faire lorsque Magnus Bane fait irruption dans la pièce et révèle qu'il y a eu une poussée de magie nécromantique sur la carte de nécromancie près de l'Institut de Los Angeles. Il continue que Malcolm Fade ne répond pas à ses appels et qu'il n'a fait que le dire à Robert Lightwood, ne voulant pas gâcher la fête au cas où il s'agirait d'une fausse alerte. Robert apparaît dans l'embrasure de la porte et réagit maladroitement en voyant l'apparence échevelée de Clary et Jace. Magnus ouvre un portail et Clary se rend compte qu'elle devra donner une réponse à Jace à leur retour. Redoutant cela, elle le repousse pour l'instant et franchit le portail.
Histoire[]
Histoire complète
Clary contempla la salle de musique de l’Institut d’un air las mais ravi. C’était une chaude nuit d’été new-yorkaise, les fenêtres étaient grandes ouvertes et Magnus avait ensorcelé des blocs de glace suspendus au plafond, qui scintillaient en dispensant une fraîcheur bienvenue. Clary avait réuni tous ses proches dans une seule et même pièce, et de son point de vue la fête était plutôt réussie, étant donné qu’elle avait dû se dépêcher de trouver dans l’Institut un endroit convenable pour une soirée qui s’était décidée vingt-quatre heures auparavant.
Il n’y avait vraiment aucune raison de ne pas se réjouir.
Deux jours plus tôt, Simon s’était présenté à l’Institut, hors d’haleine. Jace et Clary étaient dans la salle d’entraînement, où ils évaluaient la nouvelle préceptrice, Beatriz Mendoza, ainsi que les nouveaux étudiants du Conclave.
— Simon ! s’était exclamée Clary. Je ne savais pas que tu étais en ville.
Simon, fraîchement diplômé de l’Académie des Chasseurs d’Ombres, avait été nommé au poste de recruteur, un emploi créé par le Consul pour regarnir les rangs des Chasseurs d’Ombres décimés pendant la guerre. Dès qu’on repérait un candidat pour l’Ascension, c’était Simon qui était chargé de lui expliquer à quoi ressemblait la vie d’un Chasseur d’Ombres comparée à celle d’un Terrestre. Son travail, bien qu’il l’obligeât souvent à s’éloigner de New York, lui permettait toutefois de consacrer une grande partie de son temps à des Terrestres doués de la Seconde Vue, qu’il rassurait et aidait à se sentir moins seuls.
Pourtant, à ce moment précis, il donnait une image de lui-même qui était tout sauf rassurante. On aurait dit qu’il venait d’essuyer une tornade.
— Je viens de demander Isabelle en mariage, avait-il annoncé.
Beatriz avait poussé un cri d’excitation et certains étudiants, craignant sans doute une attaque de démons, avaient crié à leur tour. L’un d’eux était tombé d’une poutre et avait atterri sur un tapis de sol. Clary avait fondu en larmes et s’était jetée dans les bras de Simon.
Jace était allongé par terre, les bras en croix.
— On va faire partie de la même famille, avait-il marmonné. On va devenir frères, Simon. Les gens vont s’imaginer qu’on a un lien de parenté.
— Personne ne pensera ça, avait protesté Simon.
— Je suis si contente pour toi ! s’était exclamée Clary. Isa et toi, vous allez être tellement heureux ! (Elle avait lancé un regard noir à Jace.) Quant à toi, lève-toi pour féliciter Simon ou je vide ton shampooing de luxe dans le lavabo.
Jace s’était relevé d’un bond. Simon et lui avaient échangé une accolade virile qui avait réjoui Clary. Même s’ils étaient amis depuis des années, Jace semblait encore avoir besoin de prétextes pour manifester son affection. Clary se faisait un plaisir de les lui trouver.
— Comment ça s’est passé ? C’était romantique ? Tu l’as étonnée ? Je n’arrive pas à croire que tu ne m’en aies rien dit avant. (Clary avait donné à Simon une tape sur le bras.) Tu avais prévu des roses ? Isa adore les roses.
— J’ai fait ça sur un coup de tête. On était sur le pont de Brooklyn. Isa venait de décapiter un Shax.
— Et elle ne t’avait jamais paru plus radieuse qu’à ce moment-là, couverte d’ichor de la tête aux pieds ? avait raillé Jace.
— Il y a un peu de ça, avait admis Simon.
— C’est une demande en mariage digne d’un Chasseur d’Ombres, avait commenté Clary. Donne-nous des détails ! Tu t’es mis à genoux ?
— Les Chasseurs d’Ombres ne font pas ce genre de truc, s’était récrié Jace.
— C’est dommage. J’aime bien quand les hommes font ça dans les films.
— Et pourquoi cet affolement ? s’était enquis Jace. Elle a dit oui, n’est-ce pas ?
Simon s’était passé la main dans les cheveux.
— Elle veut une fête de fiançailles.
— Il faut un open bar, avait décrété Jace, qui avait développé un intérêt amusant pour les cocktails.
— Non, tu n’as pas compris. Elle veut que la fête ait lieu dans deux jours.
— Hmm… avait fait Clary. Je comprends qu’elle soit impatiente de partager ce moment avec sa famille et ses amis, mais elle peut bien attendre quelques jours de plus…
— Elle veut organiser la fête le jour de l’anniversaire de Max, avait dit Jace d’un ton tranquille.
— Oh, avait soufflé Clary.
Max : le plus jeune des Lightwood, et le plus adorable des enfants. Il aurait dû avoir quatorze ans dans deux jours, soit presque le même âge que Tiberius et Livvy Blackthorn. Clary comprenait très bien pourquoi Isabelle voulait que sa fête de fiançailles ait lieu un jour où elle se sentirait particulièrement proche de son petit frère.
— Bon, tu as pensé à prévenir Magnus ?
— Évidemment. Et il m’a répondu qu’il m’aiderait dans la mesure du possible, mais il y a Rafael…
— D’accord. Donc tu as besoin de notre aide ?
— J’espérais que la fête aurait lieu ici, à l’Institut. Et que tu pourrais m’aider avec deux ou trois trucs que je ne maîtrise pas très bien…
Clary avait senti une légère angoisse l’envahir. L’Institut avait subi d’importantes rénovations récemment ; certaines étaient toujours en cours. La salle de bal, qui ne servait presque jamais, deviendrait bientôt une autre salle d’entraînement ; du carrelage et du bois de charpente s’empilaient dans les couloirs des étages. Il y avait aussi la salle de musique qui était immense, mais encombrée de vieux pianos, violoncelles et même d’un orgue.
— Comme quoi ?
Simon l’avait regardée avec des yeux de chien battu.
— Les fleurs, le traiteur, la décoration…
Clary avait poussé un grognement. Jace lui avait ébouriffé gentiment les cheveux.
— Tu vas y arriver ! Tu as sauvé le monde, tu te souviens ? Moi je crois en toi.
Et c’est ainsi que deux jours plus tard, Clary se retrouvait dans la salle de musique de l’Institut, avec les blocs de glace de Magnus qui dégoulinaient sur sa robe verte. De temps à autre, le sorcier passait à la vitesse supérieure et des pétales de rose pleuvaient du plafond. Des hommes de la meute de Maia avaient aidé à transporter la harpe, l’orgue et d’autres instruments dans la pièce voisine, qui était vide, et dont la porte fermée à clé était à présent dissimulée derrière une chute d’eau magique constituée de minuscules papillons.
Cette illusion d’optique rappelait un peu à Clary la Cour des Lumières, qui changeait d’aspect à chacune de ses visites, quelques années plus tôt : quelquefois, les murs scintillaient comme de la glace, à d’autres moments ils étaient tapissés de velours rouge. Elle eut un petit pincement au cœur, non pas pour la reine, qui s’était toujours montrée cruelle et qui les avait trahis, mais pour la magie des fées. Depuis que la Paix Froide était entrée en vigueur, elle n’avait plus remis les pieds à la Cour. Central Park n’était plus le théâtre de danses endiablées les nuits de pleine lune. On ne voyait plus de pixies ni de sirènes dans les eaux de l’Hudson. Parfois, tard dans la nuit, elle entendait le son aigu et triste du cor de la Chasse Sauvage qui traversait le ciel, et elle pensait alors avec mélancolie à Mark Blackthorn. Mais Gwyn et son peuple n’avaient jamais été soumis à une loi quelconque, et le martèlement des sabots de la Chasse ne pouvait pas remplacer la musique des fêtes féeriques qui avaient lieu jadis sur Hart Island.
Elle avait abordé le sujet avec Jace et il était d’accord avec elle, d’abord parce qu’il était son petit ami et ensuite en sa qualité de directeur adjoint de l’Institut : sans le Petit Peuple, le monde des Chasseurs d’Ombres n’était plus le même. Ils avaient toujours eu besoin des Créatures Obscures. Se comporter comme si le Petit Peuple n’existait pas les conduirait tous au désastre. Mais Clary et Jace n’étaient pas membres du Conseil ; ils n’étaient que les jeunes directeurs d’un Institut. Alors ils attendaient leur heure.
De l’avis de Clary, il n’y avait probablement pas d’autre Institut susceptible d’accueillir une fête comme celle-ci. Les étudiants de Beatriz, embauchés comme serveurs pour l’occasion, déambulaient dans la pièce en portant des plateaux chargés de petits-fours et autres canapés fournis par la sœur de Simon, qui travaillait dans un restaurant à Brooklyn. Les couverts et les plats étaient en étain et non en argent, par égard pour les loups-garous présents.
En parlant de lycanthropes, Maia, qui tenait Bat par la main, riait aux éclats. Elle portait une ample robe orange, ses boucles étaient rassemblées en chignon au sommet de son crâne et le médaillon des Praetor Lupus brillait à son cou. Elle était en grande discussion avec Luke, le beau-père de Clary, qui avait relevé ses lunettes sur son front. Ses cheveux grisonnaient désormais, mais son regard était toujours aussi vif. Jocelyn s’était retranchée dans un bureau avec Maryse Lightwood, la future belle-mère de Simon, pour avoir une longue conversation avec elle. Clary la soupçonnait de s’être lancée dans un discours élogieux au sujet de Simon pour bien faire comprendre aux Lightwood la chance qu’ils avaient de le compter dorénavant parmi les membres de leur famille, et qu’ils feraient mieux de ne pas l’oublier.
Julie Beauvale, la parabatai de Beatriz, passa devant Clary en portant un plateau débordant de minuscules pâtisseries. Lily, chef du clan vampire de New York, se servit au passage et, après avoir adressé un clin d’œil à Bat et à Maia, se dirigea vers le piano d’une démarche chaloupée. Simon, vêtu d’un costume anthracite, discutait avec le père d’Isabelle, Robert Lightwood, et semblait au bord de la crise de nerfs.
Jace, sa veste en velours jetée sur le dos de sa chaise, laissait courir ses mains fines sur les touches du piano. Clary ne put s’empêcher de se rappeler la première fois où elle l’avait vu jouer à l’Institut. Il lui tournait le dos et il avait dit : « Alec, c’est toi ? »
Il était concentré, comme chaque fois qu’il se livrait à une activité qu’il jugeait digne d’intérêt : se battre, jouer de la musique, embrasser quelqu’un… Il leva les yeux comme s’il sentait son regard posé sur lui et lui adressa un sourire. Même après tout ce temps, il arrivait encore à lui donner des frissons.
Elle était incroyablement fière de lui. Ils avaient accueilli avec surprise le vote du Conclave, qui avait décidé à l’unanimité de les nommer à la succession de Maryse à la direction de l’Institut. Ils n’avaient alors que dix-neuf ans et, naturellement, Clary avait pensé qu’Alec ou Isabelle hériterait du poste. À vrai dire, aucun des deux n’en voulait. Isabelle avait envie de voyager et Alec voulait se consacrer entièrement au projet d’alliance entre Chasseurs d’Ombres et Créatures Obscures sur lequel il travaillait.
Ils pouvaient toujours refuser, avait-elle dit à Jace à l’époque. Personne ne pouvait les forcer à diriger l’Institut. Ils avaient prévu de faire le tour du monde ensemble ; Clary peindrait pendant que Jace combattrait les démons de temps à autre. Or il souhaitait accepter. C’était pour lui un moyen de s’acquitter de sa dette envers ceux qui étaient morts pendant la guerre et de remercier la bonne fortune d’avoir épargné la plupart des gens qu’il aimait – Alec, Isabelle, Clary –, lui qui ne croyait pas à l’amitié et pensait ne jamais tomber amoureux.
C’était beaucoup de travail de diriger un Institut. Jace devait déployer des trésors de séduction et Clary recourir à tout son instinct pour maintenir la paix et bâtir des alliances. Seuls, ils n’y seraient pas arrivés ; ensemble, la détermination de Clary, sa connaissance du monde terrestre et son pragmatisme contrebalançaient l’ambition de Jace, son vieux sang de Chasseur d’Ombres et son expérience au combat. Jace avait toujours été un chef naturel pour leur petit groupe, un stratège accompli, très doué pour assigner une personne à la tâche qui lui conviendrait le mieux. Clary savait rassurer ; c’était aussi elle qui, en dépit de l’interdiction, avait insisté pour s’équiper d’un ordinateur, qu’elle avait installé dans la salle où ils discutaient stratégie.
Lily glissa quelques mots à l’oreille de Jace, sans doute pour lui suggérer une chanson (elle était morte dans les années vingt et demandait toujours du ragtime) avant de pivoter sur ses talons rouges et de se diriger vers une couverture étalée sur le sol dans un coin de la pièce. Magnus s’était installé dessus, son fils Max, un sorcier de trois ans à la peau bleu sombre, blotti contre lui. Non loin d’eux se tenait un autre enfant, un garçon de cinq ans aux cheveux bruns ébouriffés, qui accepta avec un sourire timide le livre que Magnus lui tendait.
Beatriz s’avança vers Clary.
— Où est Isabelle ? demanda-t-elle à voix basse.
— Elle tient à faire une entrée remarquée, répondit Clary. Elle attendait que tout le monde soit là. Pourquoi ?
Beatriz lui lança un regard lourd de sous-entendus et désigna la porte d’un signe de tête. Quelques instants plus tard, Clary la suivit dans le couloir en tenant le bas de sa robe verte pour ne pas marcher dessus. Jace aimait cette couleur parce qu’elle était assortie à celle de ses yeux, mais à une époque Clary avait du mal à en porter sans penser à son frère. Vert, c’était la teinte qu’avaient prise les yeux de Jonathan à sa mort. Quand il s’appelait Sébastien, ils étaient noirs. Tout ça était de l’histoire ancienne désormais.
Beatriz la conduisit dans la salle à manger, qui était remplie de fleurs. Une profusion de tulipes qui s’amoncelaient sur les chaises, la table, le buffet.
— On vient de nous les livrer, annonça-t-elle d’un ton accablé, comme s’il s’agissait de cadavres en décomposition.
— Quel est le problème ?
Une voix s’éleva de l’obscurité :
— Isabelle est allergique aux tulipes.
Clary sursauta. Alec Ligthwood, assis sur une chaise à l’autre bout de la table, portait une chemise blanche par-dessus un pantalon de costume noir et effeuillait une tulipe jaune.
— Beatriz, je peux parler à Clary une minute ?
Beatriz hocha la tête, visiblement soulagée de refiler le problème à quelqu’un d’autre, et quitta la pièce.
— Qu’est-ce qui ne va pas, Alec ? demanda Clary en faisant un pas vers lui. Qu’est-ce que tu fais tout seul ici ?
— Ma mère m’a dit que le Consul allait passer, répondit-il d’un ton morne.
Clary ouvrit de grands yeux.
— Et ?
Alec se comportait comme un criminel dont la tête est mise à prix.
— Tu es au courant pour Rafe, non ? Tu connais les détails ?
Clary hésita. Quelques mois plus tôt, Alec avait été envoyé à Buenos Aires pour enquêter sur une série d’attaques de vampires. Pendant son séjour, il avait rencontré un petit Chasseur d’Ombres de cinq ans qui avait survécu au massacre de l’Institut de Buenos Aires pendant la Guerre Obscure. Magnus et lui avaient fait des allées et venues entre l’Argentine et les États-Unis sans mettre qui que ce soit dans la confidence, jusqu’à ce qu’ils débarquent un beau jour à New York avec ce petit garçon chétif aux grands yeux, qu’ils avaient décidé d’adopter.
Ils l’avaient baptisé Rafael Santiago Lightwood.
— Quand j’ai trouvé Rafe, il vivait dans la rue, dit Alec. Il volait de la nourriture aux Terrestres pour survivre et il faisait des cauchemars à cause de la Seconde Vue. (Il se mordit la lèvre.) S’ils nous ont laissés adopter Max, c’est parce que c’est une Créature Obscure. Personne ne voulait de lui. Tout le monde s’en fichait. Rafe, en revanche, est un Chasseur d’Ombres… contrairement à Magnus. Je ne sais pas ce que le Conseil va penser d’un sorcier qui élève un enfant nephilim, alors qu’ils cherchent désespérément de nouvelles recrues.
— Alec, dit Clary d’un ton ferme. Ils ne vous enlèveront pas Rafe. Nous ne le permettront pas.
— Moi non plus. Je les tuerai tous s’il le faut. Cela dit, ça risque de gâcher la soirée.
Clary eut une vision brève mais très réaliste d’Alec trucidant les invités à coup de flèches pendant que Magnus déchaînait une tempête de feu, et soupira.
— Est-ce que tu as une bonne raison de penser qu’ils emmèneront Rafe ? Vous avez reçu une plainte émanant du Conseil ?
Alec secoua la tête.
— Non. C’est juste… Tu les connais. La Paix Froide les a tous mis sur les dents. Et malgré la présence de Créatures Obscures au Conseil, ils ne leur font toujours pas confiance. Parfois je me dis qu’ils sont encore pires qu’avant la guerre.
— Je ne vais pas te donner tort. Cependant, puis-je te faire une suggestion ?
— Tu projettes d’empoisonner le punch ? demanda Alec avec un empressement inquiétant.
— Non. Je voulais juste te dire qu’à mon avis tu projettes tes angoisses.
Alec parut perplexe. En général, les Chasseurs d’Ombres avaient du mal avec le jargon psychologique.
— Tu t’inquiètes et c’est normal : avoir un enfant, ce n’est pas rien, et tout s’est passé très vite, poursuivit Clary. Mais pour Max aussi. Or, Magnus et toi, vous avez déjà prouvé que vous étiez des parents formidables. Vous vous aimez énormément et, ne t’inquiète pas, quel que soit le nombre d’enfants que vous aurez, vous avez encore beaucoup d’amour à donner.
Les yeux bleu vif d’Alec brillèrent sous leur frange de cils noirs. Il se leva et s’avança vers Clary.
— Ce sont les paroles d’un sage, dit-il.
— Tu n’as pas toujours pensé ça de moi.
— Non, au début je te prenais pour une peste. Depuis, j’ai changé d’avis.
Il déposa un baiser sur le front de Clary et s’éloigna dans le couloir, sa tulipe toujours à la main.
— Jette ça avant d’y retourner ! lança Clary, qui s’imaginait déjà Isabelle allongée par terre avec une crise d’urticaire.
Elle contempla les tulipes en soupirant. Ils pouvaient toujours se passer de fleurs, mais…
On frappa à la porte et une fille aux longues tresses brunes vêtue d’une robe en soie à imprimé patchwork glissa la tête dans l’embrasure. Rebecca, la sœur de Simon.
— Je peux entrer ? dit-elle en poussant le battant. Waouh, des tulipes !
— Apparemment, Isabelle y est allergique, répliqua Clary d’un ton acide.
— Mince. Je peux te parler une minute ?
Clary hocha la tête.
— Bien sûr.
Rebecca se percha sur un coin de la table.
— Je voulais te dire merci.
— Pour quoi ?
— Pour tout. (Rebecca parcourut des yeux la pièce avec ses portraits d’ancêtres et ses motifs d’anges et d’épées croisées.) Je ne comprends toujours pas grand-chose à cette histoire de Chasseurs d’Ombres. Simon ne peut pas trop m’en parler. J’ignore au juste en quoi consiste son travail…
— Il est recruteur, l’interrompit Clary, sachant que ça ne signifiait rien pour Rebecca mais elle était tellement fière de Simon !
Les épreuves qu’il avait traversées (devenir un vampire, perdre ses souvenirs, devenir un Chasseur d’Ombres, perdre George) lui avaient permis de trouver sa voie : aider les autres.
— Nous avons perdu beaucoup de Chasseurs d’Ombres au cours de la dernière guerre. Et depuis, nous tâchons d’en recruter de nouveaux. Les meilleurs candidats sont les Terrestres qui ont du sang de Chasseur d’Ombres dans les veines : ces gens-là ne savent pas qu’ils sont des Nephilim bien qu’ils aient la Seconde Vue. Ils peuvent voir les vampires, les loups-garous, tout ce qui relève de la magie. Il n’en faut pas plus pour qu’ils se croient complètement fous. Simon leur parle, il leur explique ce que c’est d’être un Chasseur d’Ombres, pourquoi c’est difficile… et pourquoi c’est important.
Clary savait qu’elle n’aurait sans doute pas dû raconter tout ça à une Terrestre. Mais en premier lieu, elle n’aurait pas dû laisser Rebecca entrer à l’Institut et encore moins lui confier le buffet de la soirée. Quand Jace et Clary avaient accepté de prendre la direction de l’Institut, ils s’étaient juré de réinventer le poste de directeur.
Après tout, Clary et Simon avaient eux aussi été des Terrestres qui n’étaient pas censés se trouver à l’Institut.
Rebecca secoua la tête.
— Bon, je n’y comprends toujours rien. En bref, mon petit frère est quelqu’un d’important, c’est ça ?
Clary sourit.
— Il a toujours été important pour moi.
— Il est très heureux dans sa vie amoureuse et professionnelle, et c’est grâce à toi. (Rebecca se pencha vers Clary et poursuivit avec un air de conspiratrice.) La première fois que Simon t’a ramenée à la maison, ma mère a déclaré : « Cette fille va mettre de la magie dans sa vie. » Elle ne croyait pas si bien dire !
— C’est gentil. Je suis contente pour Simon… Tu sais que je l’aime comme un frère…
— Clary !
Clary se retourna, craignant de voir apparaître Isabelle. Ce fut Lily Chen qui s’avança vers elle, suivie de Maia Roberts. Les cheffes vampire et lycanthrope, ensemble. Ce n’était pas rare, elles étaient amies. Mais elles étaient aussi des alliées politiques qui avaient parfois des désaccords.
— Salut, Rebecca, dit Maia.
Elle adressa un signe de la main à la sœur de Simon et l’anneau en bronze que Bat lui avait offert étincela à son doigt. Maia, qui dirigeait la meute de loups-garous de New York, était également chargée de reformer les Praetor Lupus et suivait des études de commerce.
Lily jeta un regard indifférent à Rebecca.
— Clary, il faut qu’on parle, dit-elle. J’ai essayé d’en discuter avec Jace mais il joue du piano, et Magnus et Alec sont occupés avec ces petites créatures…
— Ce sont des enfants, Lily, dit Clary.
— J’ai pourtant expliqué à Alec qu’on avait besoin d’aide et il m’a renvoyée à toi, s’exclama Lily d’un ton ulcéré.
Elle aimait beaucoup Alec, à sa manière. Il était le premier Chasseur d’Ombres à accepter de faire fusionner ses connaissances de Chasseur d’Ombres avec les compétences des Créatures Obscures, en l’occurrence celles de Maia et de Lily. Quand Jace et Clary avaient pris la direction de l’Institut, ils avaient rejoint cette drôle d’alliance. Simon et Isabelle leur prêtaient main-forte quand ils le pouvaient. Clary avait dédié à leur petit groupe une salle de stratégie avec des cartes, des plans et des contacts importants en cas d’urgence.
Or, des urgences, il y en avait beaucoup. Avec la promulgation de la Paix Froide, des quartiers de Manhattan qui appartenaient jadis au Petit Peuple faisaient l’objet de disputes entre les autres Créatures Obscures. Clary et Jace ne comptaient plus les soirs où, avec Alec, Lily et Maia, ils s’étaient assis à une table pour tenter de négocier tel ou tel aspect de la trêve entre vampires et lycanthropes, ou pour faire capoter un projet de vengeance. Magnus avait même élaboré des sortilèges spécifiques pour permettre à Lily d’entrer à l’Institut bien que son sol soit sanctifié, ce qui, au dire de Jace, était une première pour un vampire.
— C’est au sujet de la High Line, dit Maia.
La High Line était un parc aménagé sur une portion désaffectée du métro aérien dans le Lower West Side.
— La High Line ? répéta Clary. Vous vous intéressez à l’aménagement urbain, maintenant ?
Rebecca fit un signe de la main à Lily.
— Salut, je m’appelle Rebecca. Ton eyeliner est incroyable.
Lily ignora sa remarque.
— C’est un nouveau territoire dans Manhattan et, de fait, il n’appartient ni aux vampires ni aux lycanthropes. Évidemment, les deux clans le revendiquent.
— Il faut vraiment qu’on parle de ça maintenant ? marmonna Clary. C’est la soirée de fiançailles d’Isabelle et de Simon.
— Oh, j’ai failli oublier ! s’écria Rebecca en se levant d’un bond. Le diaporama !
Elle sortit en trombe de la pièce, sous l’œil interloqué de Clary.
— Le diaporama ?
— D’après ce que j’ai compris, dans ce genre d’événement, la coutume veut qu’on humilie les futurs mariés avec des photos de leur enfance, expliqua Lily. (Comme Clary et Maia la dévisageaient avec étonnement, elle haussa les épaules.) Eh bien quoi ? Je regarde la télévision.
— Écoute, je sais que le moment est mal choisi pour vous embêter avec ça, dit Maia, mais apparemment il y a un groupe de loups-garous et de vampires qui vont s’affronter dans ce secteur. Il nous faut l’aide de l’Enclave.
Clary fronça les sourcils.
— Comment vous le savez ?
Maia brandit son téléphone.
— Je viens de leur parler.
— Donne-moi ça, dit Clary. Bon, qui est à l’autre bout du fil ?
— Leila Haryana, répondit Maia. Elle fait partie de ma meute.
Clary prit le téléphone, recomposa le numéro et attendit que quelqu’un décroche.
— Leila, ici Clarissa Fairchild. (Un silence.) Oui, la directrice de l’Institut. C’est moi, oui. Écoutez, je sais que vous vous trouvez du côté de la High Line et que vous êtes sur le point d’affronter un clan de vampires. Je vous demande de vous arrêter tout de suite.
Une exclamation indignée suivit cette déclaration. Clary soupira.
— Les Accords restent les Accords. Et là, vous les enfreignez. D’après, euh… la section sept, paragraphe quarante-deux, vous êtes tenus de signaler un conflit territorial à l’Institut le plus proche afin de trouver un compromis.
D’autres protestations suivirent. Clary interrompit la fille.
— Allez répéter aux vampires ce que j’ai dit. Et soyez ici demain à la première heure, dans le Sanctuaire. (Elle pensa au champagne dans la salle de musique.) Bon, peut-être pas trop tôt. Soyez là à onze heures, deux vampires, deux lycanthropes, et on réglera ça rapidement. Le cas échéant, vous serez considérés comme des ennemis de l’Institut.
Leila grommela son assentiment dans le combiné.
— Passez une bonne journée ? répéta Lily en levant les sourcils.
Clary poussa un grognement et rendit son téléphone à Maia.
— Je ne sais jamais comment raccrocher.
— C’est quoi cette section sept, paragraphe quarante-deux ? s’enquit Maia.
— Aucune idée. Je viens de l’inventer.
— Pas mal, admit Lily. Je m’en vais de ce pas retrouver Alec pour lui annoncer que la prochaine fois qu’on a besoin de lui, il a intérêt à se bouger ou je croque un de ses marmots.
Sur ces bonnes paroles, elle s’éloigna dans un bruissement d’étoffe.
— Je vais tâcher de prévenir la catastrophe ! ajouta précipitamment Maia en s’éloignant derrière elle. À plus tard, Clary.
Une fois seule, Clary s’adossa à la grande table et inspira à fond pour se calmer en essayant de se représenter un endroit paisible, comme la plage par exemple, mais cela lui fit aussitôt penser à l’Institut de Los Angeles.
Jace et elle s’y étaient rendus au cours de l’année qui avait suivi la Guerre Obscure. C’était l’Institut le plus touché parmi tous ceux que Sébastien avait attaqués. Emma Carstairs les avait aidés à Idris et Clary se sentait responsable de la jeune fille. Ils avaient passé une journée entière à trier les livres de la nouvelle bibliothèque, puis Clary avait emmené Emma à la plage pour chercher des coquillages et des bouts de verre poli. Emma avait refusé de se baigner et ne pouvait pas regarder l’océan trop longtemps.
Clary lui avait demandé si elle allait bien.
— Ce n’est pas pour moi que je m’inquiète, avait répondu Emma. C’est pour Jules. Je ferais n’importe quoi pour qu’il aille mieux.
Clary l’avait longuement observée. Emma, qui avait les yeux fixés sur le soleil couchant, ne s’en était pas aperçue.
— Clary !
La porte s’ouvrit sur Isabelle, rayonnante dans sa robe en soie lilas et ses sandales dorées. Elle n’avait pas fait deux pas dans la pièce qu’elle se mit à éternuer.
Clarys se redressa d’un bond.
— Par l’Ange… (Cette expression typique des Chasseurs d’Ombres lui venait désormais spontanément, alors qu’avant elle la trouvait désuète.) Viens !
— Des tulipes ! s’exclama Isabelle d’une voix étranglée tandis que Clary la traînait dans le couloir.
— Je sais, dit Clary en l’éventant. Je suis sincèrement désolée…
Pendant une seconde, elle se demanda si les runes de guérison pouvaient quelque chose contre les allergies. Isabelle éternua de nouveau, les yeux larmoyants.
— Ce n’est pas ta faute, hoqueta-t-elle. (Elle agita la main en reniflant de manière fort peu élégante.) Ne t’inquiète pas. Ça ira mieux dans une minute.
— J’ai commandé des roses, je te le jure. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je vais demain chez le fleuriste pour l’étrangler. Ou Alec peut s’en charger. Il est d’une humeur massacrante ce soir.
— Ce n’est pas grave, déclara Isabelle, qui avait retrouvé sa voix normale. Et ce n’est pas la peine d’étrangler qui que ce soit. Je me marie ! Avec Simon ! Je suis si heureuse ! (Elle eut un sourire radieux.) Je pensais que c’était de la faiblesse de donner son cœur à quelqu’un. J’avais peur qu’on me le brise. Mais j’ai changé. Et ce grâce à Simon, et aussi grâce à toi.
— Comment ça, grâce à moi ?
Isabelle haussa timidement les épaules.
— Tu aimes les gens de tout ton cœur. Tu leur donnes beaucoup. Et c’est ce qui fait ta force.
Clary s’aperçut qu’elle avait les larmes aux yeux.
— Tu sais qu’en épousant Simon tu deviens ma sœur ? C’est comme ça entre parabatai, non ? »
Isabelle se jeta dans les bras de Clary. Pendant quelques secondes, elles restèrent agrippées l’une à autre dans le couloir obscur. Clary repensa malgré elle aux balbutiements de leur amitié qui avaient eu lieu dans ces mêmes couloirs.
— Maintenant qu’on en parle, s’écria Isabelle en se détachant de Clary avec un sourire malicieux, que penses-tu d’un double mariage ? Toi et Jace…
Clary se figea. Elle n’avait jamais été douée pour cacher ses émotions. Isabelle la dévisagea d’un air perplexe et allait reprendre la parole quand la porte de la salle de musique s’entrouvrit. Un flot de lumière et de notes mélodieuses se déversa dans le couloir. Maryse, la mère d’Isabelle, passa la tête dans l’embrasure.
Elle souriait, l’air visiblement heureux. Clary s’en réjouit. Maryse et Robert avaient divorcé après la Guerre Obscure. Robert avait emménagé dans son logement de fonction à Idris tandis que Maryse était restée à New York pour diriger l’Institut. C’était de bonne grâce qu’elle avait passé le relais à Jace et à Clary quelques années plus tard. Elle était restée à New York, officiellement pour les aider au cas où ils seraient dépassés. En fait, Clary la soupçonnait de vouloir se rapprocher de ses enfants et de son petit-fils, Max. Même si ses cheveux avaient un peu blanchi, elle avait conservé sa prestance de Chasseuse d’Ombres.
— Isabelle ! s’exclama-t-elle. Tout le monde t’attend.
— Bien, fit celle-ci en prenant le bras de Clary. Alors je peux entrer.
Les lumières de la salle se braquèrent brusquement sur elles et les invités se retournèrent en souriant.
Clary repéra Jace immédiatement : c’était toujours le premier visage qu’elle apercevait quand elle entrait dans une pièce. En la voyant entrer, il leva la tête et lui adressa un clin d’œil.
La bague des Herondale brillait à son doigt, éclairée par les dizaines de globes lumineux – sans doute l’œuvre de Magnus – qui flottaient dans la pièce. Clary pensa à Tessa, qui lui avait remis cette bague afin qu’elle la donne à Jace, et regretta son absence. Tessa aimait beaucoup entendre Jace jouer du piano.
Des applaudissements retentirent. Isabelle regarda autour d’elle, radieuse, et envoya un baiser à Magnus et à Alec assis avec Max et Rafe, qui ouvraient de grands yeux étonnés. Maia et Bat sifflèrent dans leurs doigts, Lily leva son verre, Luke et Rebecca sourirent, Maryse et Robert regardèrent fièrement leur fille s’avancer pour prendre la main de Simon.
Il rayonnait de bonheur. Sur le mur derrière lui, les photos du diaporama mentionné par Rebecca défilaient toujours. Une citation s’imprima sur le mur : « Un mariage heureux est une longue conversation qui semble toujours trop brève. »
« Ouille », songea Clary. Elle vit Magnus poser sa main sur celle d’Alec, qui regardait l’écran de projection, Rafe sur ses genoux. C’étaient, pour l’essentiel, des photos de Simon ; les Chasseurs d’Ombres n’en prenaient pas beaucoup. Un cliché de lui bébé, dans les bras de sa mère, apparut sur le mur blanc. Clary aurait voulu qu’elle soit là mais Elaine n’avait jamais entendu parler des Chasseurs d’Ombres. À sa connaissance, Isabelle était une gentille fille qui travaillait dans un salon de tatouage. À la photo de Simon bébé succéda un autre cliché de lui à six ans avec deux dents manquantes, puis encore un autre où on le voyait jouer de la guitare. Simon et Clary, à dix ans dans le parc, dans un tourbillon de feuilles mortes.
Simon regarda la photo et sourit à Clary, qui répondit à son sourire en touchant sa rune de parabatai sur son bras droit. Elle espérait qu’il lirait dans ses yeux qu’il était son ancre, un pilier, dans son enfance et aussi à l’âge adulte.
À travers ses larmes, elle s’aperçut que la musique avait cessé. Jace traversa la pièce pour glisser quelques mots à l’oreille d’Alec, qui hocha la tête en posant la main sur son épaule.
Chaque fois qu’elle regardait Alec et Jace, elle voyait deux grands amis. Elle mesurait à quel point Jace aimait Alec depuis qu’elle l’avait vu s’effondrer – lui, qui était d’un sang-froid presque effrayant – alors qu’Alec était blessé. Il fallait voir la façon dont il considérait ceux qui critiquaient son ami. Et elle pensait comprendre leur relation à travers celle qu’elle avait nouée avec Simon.
À présent que son ami d’enfance était devenu son parabatai, elle comprenait doublement. En présence de son parabatai, on se sentait plus fort. Simon était comme un miroir qui reflétait ses meilleurs côtés. Elle n’arrivait pas à imaginer l’enfer que c’était de perdre son parabatai ; ce devait être affreux.
« Prends soin de lui, Isabelle Lightwood, pensa-t-elle en observant les fiancés se donner la main. S’il te plaît, prends soin de lui. »
Elle était tellement perdue dans ses pensées qu’elle n’avait pas entendu Jace s’approcher. Il s’était posté juste derrière elle ; il sentait l’eau de Cologne qu’elle lui avait offerte pour Noël.
— Allons-nous-en… murmura-t-il.
— On ne peut pas s’éclipser de notre propre soirée…
— Juste une seconde, fit-il de cette voix grave capable de la convaincre que n’importe quelle mauvaise idée était judicieuse.
Ils se trouvaient juste à côté de la porte de la salle de stratégie, où ils s’engouffrèrent sans attirer l’attention sur eux… ou presque. Alec les aperçut au moment où Jace refermait la porte derrière lui et leva le pouce à leur intention, ce qui surprit beaucoup Clary. Elle n’eut pas le temps de s’étonner de vive voix car Jace l’attirait déjà contre lui pour l’embrasser.
Comme chaque fois, son corps tout entier répondit à ses baisers. Elle ne s’en lassait pas, de même qu’elle n’imaginait pas pouvoir se lasser d’un beau coucher de soleil ou de son livre favori.
Apparemment, Jace non plus ne s’était pas lassé d’elle. Il la serrait toujours dans ses bras comme si c’était la dernière fois. Elle savait que l’enfance qu’il avait eue l’avait fragilisé et elle s’efforçait de ne jamais l’oublier. Malgré son inquiétude vis-à-vis des invités et de la fête, elle s’abandonna dans ses bras.
— Waouh, fit-elle lorsqu’ils se détachèrent l’un de l’autre. J’ai l’impression que tout ce romantisme et ces pétales de fleurs t’ont fait de l’effet.
— Chut, dit-il en souriant, les cheveux ébouriffés, le regard indolent. Laisse-moi profiter de ce moment.
— De quel moment tu parles ? demanda-t-elle en regardant autour d’elle, l’air amusé. Du moment où on s’est cachés pendant la soirée de fiançailles de nos amis ?
La pièce était plongée dans l’obscurité ; la seule lumière était celle qui filtrait par-dessous la porte. Clary distinguait la forme des instruments de musique recouverts, tels de pâles fantômes, de housses immaculées. Un piano à queue était adossé au mur derrière eux.
Jace la souleva dans ses bras pour l’asseoir dessus. Elle le dévisagea, surprise. Il avait la mine grave. Il se pencha pour l’embrasser, les mains posées sur sa taille, ses doigts agrippés au tissu de sa robe.
— Jace, murmura-t-elle, le cœur battant.
Il lui sembla que les rires et la musique s’éloignaient ; elle n’entendait plus que le souffle rapide de Jace. Sa main remonta le long de la bretelle de sa robe et ses yeux étincelèrent dans l’obscurité.
— « Le vert pour soigner nos cœurs las », susurra-t-il, citant une comptine qu’elle connaissait bien. Tu as guéri le mien. D’un gamin en colère, tu as fait un homme heureux, Clary.
— Non, dit-elle d’une voix tremblante. Tu y es arrivé tout seul. Je me suis contentée de t’encourager depuis le banc de touche.
— Je ne serais pas là sans toi. Et sans Alec, Isabelle, Simon… Mais toi, tu es mon cœur.
— Et tu es le mien. Tu le sais.
Il leva vers elle son beau regard dur aux reflets ambrés. Elle l’aimait tellement qu’elle en avait mal quand elle respirait.
— Alors tu veux bien ? demanda-t-il.
— Je veux bien quoi ?
— M’épouser. Épouse-moi, Clary.
Elle crut que le sol se dérobait sous ses pieds. Elle n’hésita qu’une seconde, qui lui sembla une éternité. Elle vit l’étonnement se peindre sur le visage de Jace et soudain, la porte vola en éclats.
Magnus entra dans la pièce, les cheveux en bataille, les vêtements froissés. Jace plissa les yeux sans lâcher Clary.
— Tu aurais pu frapper. On est occupés, là.
D’un geste dédaigneux, Magnus lui fit signe de se taire.
— Crois-moi, j’ai surpris tes ancêtres dans une posture bien plus délicate. Et puis, c’est une urgence.
— Magnus, j’espère que ce n’est pas à cause des fleurs ou du gâteau, dit Clary.
Magnus gloussa.
— Je parlais d’urgence, ça, c’est une fête de fiançailles, pas la bataille de Normandie.
— La bataille de quoi ? demanda Jace, qui n’était pas très au fait de l’histoire terrestre.
— L’alarme reliée à la carte s’est déclenchée, annonça Magnus. Vous savez, celle qui recense toutes les manifestations de magie noire. Il vient d’y en avoir une à Los Angeles.
— Mais j’allais porter un toast, protesta Jace. L’apocalypse peut bien attendre un peu…
Magnus lui jeta un regard noir.
— Cette carte n’est pas très précise. Toutefois, l’endroit en question n’est pas loin de l’Institut.
Clary se redressa, affolée.
— Emma, Julian, les enfants…
— Rappelle-toi, la dernière fois, ce n’était rien, l’apaisa Magnus. Cela dit, il y a deux ou trois détails qui m’inquiètent. (Il hésita.) Il y a un point de convergence de ley-lines dans les parages. J’ai vérifié et j’ai l’impression qu’il s’est passé quelque chose là-bas.
— Tu as essayé de joindre Malcolm Fade ? s’enquit Jace.
Magnus hocha la tête.
— Pas de réponse.
— Tu as prévenu quelqu’un d’autre ? demanda Clary.
— Je ne voulais pas gâcher la fête à cause d’une fausse alerte. Je n’en ai parlé qu’à…
Une silhouette de haute taille s’encadra sur le seuil : Robert Lightwood, un sac plein de poignards séraphiques jeté sur l’épaule. Il s’arrêta net en voyant Jace et Clary tout échevelés.
— … lui, acheva Magnus.
— Excusez-moi, dit Robert.
Jace et Robert semblaient mal à l’aise. Quant à Magnus, il peinait à masquer son impatience. Clary savait qu’il n’aimait pas beaucoup Robert, bien que leurs relations se soient améliorées depuis qu’Alec et Magnus avaient adopté Max. Robert était un bon grand-père (pour se rattraper peut-être de ne pas avoir été un bon père), toujours disposé à chahuter avec ses petits-enfants.
— Est-ce qu’on peut y aller maintenant ? lança Magnus.
— Eh bien, ça dépend surtout de toi, répondit Clary. Je ne peux pas ouvrir un Portail, je n’ai pas vu la carte. C’est toi qui sais où nous allons.
— Je n’aime pas quand tu as raison, chérie, fit Magnus d’un ton résigné.
Il écarta les doigts et des étincelles bleues en jaillirent, illuminant la pièce comme des lucioles. Elles formèrent peu à peu un grand rectangle au-delà duquel Clary distingua les contours de l’Institut de Los Angeles et, au loin, les montagnes et l’océan.
Elle crut déceler une odeur d’iode et de sauge. Jace se glissa près d’elle et lui prit la main.
« Épouse-moi, Clary. »
À leur retour, elle devrait lui donner sa réponse. Elle appréhendait un peu. Mais pour l’heure, le devoir les attendait. Relevant la tête, Clary franchit le Portail.
Personnages[]
Mentionnés seulement :
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Anecdotes[]
- La fête dans cette histoire est mentionnée dans La Princesse de la nuit.
- Un amour inlassable, une nouvelle publiée dans les premières éditions de La Reine de l'air et des ombres, partie 1, fonctionne comme une suite à cette nouvelle
- Ici, Clary mentionne que la raison pour laquelle Alec a trouvé Rafael était parce qu'il était à Buenos Aires en réponse à des attaques de vampires. Dans The Land I Lost, cependant, Alec était là pour aider Jem et Tessa et résoudre les disparitions de femmes loups-garous. On ne sait pas si ce que Clary déclare dans cette histoire est reconstitué par cette dernière ou si on ne lui a pas raconté la véritable histoire du voyage d'Alec et croit que cela est vrai.